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fif'in
7 novembre 2008

Chaussures, sexe, tango et talons aiguille

Chaussures de tango. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le pied sans oser le demander.
chaussures
Soyons freudiens: le pied est le symbole du phallus et la chaussure est celui du sexe féminin. Si on est d'accord avec cette hypothèse d'analyste, on peut ensuite imaginer tous les rapports qui s'en suivent et comprendre pourquoi pieds et chaussures sont objets de désir et de vénération dans toutes les civilisations depuis le fond des âges.

Pourquoi leur rôle majeur dans la séduction et la sexualité, pourquoi on baise le pied des papes et des rois, pourquoi on a réduit en mini pied de lotus ceux des petites chinoises, pourquoi la grande mode et le chiffre d'affaire astronomique de l'industrie de la chaussure, pourquoi le conte de Cendrillon, pourquoi les fétichistes du pied, pourquoi on dit "avoir les pieds sur terre" "faire du pied" "prendre son pied", et pourquoi, pourquoi les tangueras dansent avec de drôles de chaussures de tango à talons aiguille qui leur font mal aux pieds mais que leurs petites filles (et parfois leurs petits garçons) adorent porter.

Devant toutes ces questions, la République des Lettres, toujours à la pointe de l'investigation, n'a pas tourné les talons et vous dit tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur cet organe et ses attributs, les chaussures de tango et les bas noirs, sans oser le demander.
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L'Oreille interne
C'est sur le pied, composé de 26 os, 50 ligaments, 19 muscles et un bon millier de nerfs et vaisseaux sanguins, que repose tout le corps humain depuis que nos ancêtres préhistoriques se mirent à marcher sur deux pattes. Une fois cette position acquise pour couvrir les km de la vie, les mêmes se jetèrent debout dans des transes et orgies communautaires sauvages en tapant du pied au sol. La danse était née.

Aujourd'hui, les individus évolués et raffinés que nous sommes tous dansent encore, peut-être de façon moins simiesque, mais toujours avec la même impulsion primitive et, oui, encore aussi avec les pieds. Du moins on essaie, car au début au ne sait pas très bien sur quel pied danser et on va donc prendre des cours de tango.

Là, les profs nous donnent des exercices qui consistent dans un premier temps à explorer l'espace tactile de nos plantes de pieds et à tester notre équilibre corporel à partir de chaque zone: orteils, voûte plantaire ou talons avant de transférer le poids du corps d'un pied à l'autre, droite/gauche, avant/arrière. Beaucoup d'entre nous, jeunes ou âgés, qui ne goûtent que rarement le plaisir de marcher pieds nus, ne prennent véritablement conscience de leur pied comme facteur de stabilité au sol et de flexibilité dans la marche, comme capteur sensoriel et comme siège majeur de mouvements qu'à ce moment là, lorsque vient la révélation que procurent ces simples exercices de base qui sont pourtant à la portée de chacun depuis le premier âge.

Certains profs poussent les exercices plus loin en mettant vraiment l'accent sur la recherche du contact entre le pied, le sol, le corps et l'équilibre. Comme dans la reflexologie plantaire, l'acupuncture ou la plupart des thérapies psycho-corporelles, on y travaille longuement le ressenti et la relation organique et énergétique entre toutes les zones nervo-sensibles du pied qui nous rattachent d'un côté à la terre, notre royaume commun spatio-temporel, et de l'autre à toutes les autres régions et organes de notre corps intime, eux-mêmes en relation avec les mécanismes intellectuels et psychologiques qui vont interagir pour produire les pensées, les émotions, voire les sentiments (ceux-ci semblant découler des émotions) et par conséquent, pour ce qui nous concerne ici, les mouvements du tango.

Chaque micro-mouvement conscient ou inconscient et chaque activation des muscles du pied - adducteurs, fléchisseurs, extenseurs - est ainsi généré par l'influx nerveux qui circule en permanence du pied au cerveau et du cerveau au pied. Ce sont les organes les plus distants de notre anatomie - le pied et le cerveau - qui communiquent ainsi le plus entre eux dans un flux permanent qui traverse l'oreille interne (liée aux fonctions de positionnement dans l'espace), la colonne vertébrale, les méridiens et tout le réseau facia-nerveux de notre corps.

Même la perception de la musique et le regard seront en partie déterminés par la façon de poser au sol le talon ou la petite "roue solaire" de la plante des pieds qui nous permet de pivoter. Ne nous attardons pas sur ce qui est transmis au partenaire de danse, car bien évidemment les milliers de messages en clair ou cryptés jaillissant ainsi de la source du pied à chaque mouvement lui sont parfaitement perceptibles s'il sait les capter.

La maîtrise de ce flux de messages constituera d'ailleurs une bonne partie de la qualité du guidage de l'homme puisque tant les transferts de poids et les impulsions que les mouvements associés-dissociés du torse dépendent en grande partie de l'ancrage et des appuis dynamiques des pieds au sol. Tous les grands danseurs savent développer et affiner dans une sorte d'intelligence instinctive cette relation organique entre sol, corps et esprit. Comme les chats qui retombent toujours sur leurs pattes par réflexe, ils savent exploiter au mieux le canal de communication entre le cerveau et l'ensemble des ressources tactiles hypersensibles de leurs pieds.

Anatomiquement, la force et la souplesse du pied préexistent naturellement chez chacun de nous mais ce qui va distinguer un bon d'un mauvais danseur, ce qui lui donnera ancrage au sol, stabilité, équilibre, légèreté "terrienne", tonicité, élasticité, précision dans l'impulsion, puissance de l'élévation, lié des enchaînements, amortissement du posé, mesure et style du toucher au sol (la fameuse "pisada"), relève de la capacité de communication entre le système nervo-sensoriel de ses pieds et son appareil psychique. C'est cette communication psychosomatique interne qui forme une sorte de sixième sens naturel aux danseurs.
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Sur un autre plan, plus existentiel, le pied représente et potentialise le corps entier. Premier à germer dans l'utérus de la mère, il contiendrait tout notre potentiel d'accomplissement. C'est par lui que les instincts du corps refoulé se défoulent: danse, gestes incontrôlés d'énervement, d'angoisse, etc. C'est en lui que prennent naissance les énergies fondamentales, comme dans les racines d'un arbre, et que circule le flux vital qui relie l'homme à la terre mère.

Dans toutes les mythologies, il est symbole à la fois de germe, de fertilité et d'union érotique. il est omniprésent dans les célébrations et les fêtes de mariage, non seulement avec la danse, mais en tant que symbole, comme les chaussures. C'est la source de l'élan car c'est par lui que l'être humain reste en contact avec son ontologie profonde. Une blessure au pied -- symbole de fausse route sur le chemin du développement personnel -- est comme une faille d'où vont s'écouler les énergies.

Les danseurs avancés prennent vite conscience de la potentialité de jeu et d'expressivité de leurs pieds et s'en servent pour la qualité relationnelle et l'esthétique de la danse qu'ils pratiquent. En matière de tango cela va à la limite de l'outrage aux moeurs. Nul besoin d'être obsédé comme l'auteur de cet article pour voir une signification sexuelle dans le jeu de pieds des pas et des figures du tango. Une grande part du dialogue dans le couple passe par ce jeu et cet échange érotique qu'ils donnent à leurs pieds, du bruit du talon au titillement de la pointe en passant par le blocage ferme, l'accrochage, la caresse sensuelle, les fioritures ou autres positions et mouvements, quelque soit le style, vers le sol ou le partenaire.

Au même titre que les mots, qui permettent à une conversation de devenir la chose la plus intéressante de la vie lorsque celle-ci devient un échange complice subtilement érotique entre un homme et une femme, les mouvements expressifs des pieds peuvent se transformer en échanges humains excitants les plus chargés de sens et de plaisir. C'est le propre du tango d'autoriser ainsi à se parler et à se séduire ainsi avec les pieds devant tout le monde. Plus le dialogue est pris au sérieux, y compris avec ses lapsus, plus le jeu devient subtil et profond. Laissons aux analystes si vous voulez les hypothèses sur les symboles sexuels, mais une chose est sûre : sans dialogue des pieds dans le couple dansant il n'y a pas de tango argentin.
C'est pas le pied
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On connaît la torture que les professionnelles des danses classique ou contemporaine font généralement subir à leurs pieds mais les danseuses de tango du dimanche ne sont guère plus douces que ces sado-masos. Selon Sylvia Tartaglia, une tanguera parisienne qui exerce la profession d'ostéopathe et a rédigé un mémoire sur le sujet, 70 % des femmes qui dansent le tango régulièrement souffrent d'un mal de pied et s'entraînent consciencieusement à se les abîmer. Cela va des simples maux bénins: ampoules, petites blessures ou lésions, aux infections, maladies inflammatoires, distensions musculaires ou tendineuses, distorsions, déformations, luxations et autres fractures de fatigue.

Les douleurs et manifestations pathologiques surviennent immanquablement un jour ou l'autre chez les nombreuses femmes qui en marchant ont l'habitude de mal poser le pied au sol et chez celles qui portent en permanence des talons hauts, le jour au travail et le soir en dansant, surtout évidemment si les chaussures de tango sont de mauvaise qualité ou mal adaptées à la taille du pied. Il est parfaitement possible de milonguer comme une folle sur de hauts talons tous les soirs pendant des années sans jamais avoir de problème mais il est préférable d'alterner en journée avec des chaussures plates afin de ménager l'avant-pied et le tendon d'achille (le bien-nommé).

Il est aussi recommandé de savoir danser, c'est-à-dire, entre autres choses, de savoir déjà tout bêtement poser correctement et naturellement ses pieds au sol l'un après l'autre sans en écraser une partie sous le poids de son propre corps car celui-ci, par un système de compensation pour éviter la douleur, va opérer des déformations plus ou moins graves du squelette, des cartilages, des tendons et des muscles depuis le bout des orteils jusqu'aux attachements du haut de la cuisse ou même sur les muscles lombaires et la colonne vertébrale.

Il est nécessaire aussi de porter de bonnes chaussures de tango car celles de mauvaise qualité sont source de maux en chaîne qui peuvent devenir graves. C'est un conseil de bon sens mais nombreuses sont celles qui ne l'ont pas respecté et, après quelques années de tango insouciant, ont dû ou doivent maintenant subir des opérations chirurgicales ou des séances de rééducation chez les kinés.

Seules de bonnes chausures offrent des cambrures adéquates, c'est-à-dire avec une pente qui ne se transforme pas en toboggan vers les orteils et un talon bien emboîté qui procure stabilité latérale et amortissement lors du posé. De plus elles sont en général légères, solides, confortables et tiennent bien au pied avec leur lanière autour de la cheville. Composées dans des matières naturelles vivantes comme les cuirs et peaux animales souples, y compris la semelle, elles forment comme une seconde peau pour toucher le sol, favorisant ainsi les réflexes et réponses musculaires nécessaires à la danse. Bien entendu, la qualité, la solidité et le confort, plus l'esthétique, se paient: il faut compter 100 à 200 euros pour une bonne paire de chaussures de tango.

Autres conseils: Pour danser longuement ou souvent, un bon parquet lisse et plat sera évidemment toujours préférable à un sol irrégulier en pierre dure. Il faut aussi soigner ses pieds, les baigner régulièrement, les relaxer et les masser un peu après une soirée entière de danse. Surtout, si on a souvent mal aux pieds, il ne faut pas hésiter à consulter un kiné ou ostéopathe dès les premiers signes car un problème bénin facilement résorbable au début peut dégénerer rapidement.
Une chaussure nommée désir
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Bien ou mal protégé par sa propriétaire, le pied est aussi, comme nous l'avons vu dans la mythologie, associé à la fécondité et la reproduction. C'est un symbole majeur d'union érotique, donc un organe éminemment désirable objet de toutes sortes de décorations, censures et pudeurs plus ou moins initiées ou subies par les femmes pour satisfaire et séduire les hommes. Chainettes, tatouages et vernis à ongles sont monnaie courante mais, dans la mise en scène des séductions et excitations du désir mâle, c'est bien évidemment la chaussure qui joue le rôle majeur. D'où son incroyable détournement de fonction et le renouvellement permanent de la mode pour cet objet qui, utilitairement, n'a absolument pas besoin de toutes ces variétés de formes, fentes, talons, languettes, boucles, lacets, boutons, lanières, couleurs, etc.

On notera notamment que la plupart des chaussures, hormis les sandales et quelques variantes hors catégories, se terminent depuis toujours par des bouts plus ou moins pointus allongés devant vers le milieu, ce qui ne correspond absolument pas à la forme naturelle des pieds de l'espèce humaine. La chaussure de tango féminine, dans sa forme classique habituelle, n'échappe bien entendu pas à la règle symbolico-sexuelle.

De l'avis de beaucoup d'hommes, c'est même avec l'escarpin classique la chaussure la plus érotique qui ait jamais été créée par l'humanité, celle qui concentre au mieux tous les attributs nécessaires à la fascination du mâle et à la provocation de pulsions émotionnelles liées inconsciemment au pied depuis la nuit des temps. Le succès de l'escarpin ou de la chaussure latine féminine vient apparemment de leur façon perverse d'exhiber le pied tout en faisant semblant de le cacher. Les stylistes et créateurs bottiers parlent d'ailleurs de "décolleté" de la chaussure. Un demi-nu follement excitant pour les hommes.

A ce sujet, une petite séance sur le divan révèlerait sans doute beaucoup de choses sur les tendances fétichistes de tous les amateurs de tango, hommes ou femmes. Rien d'anormal à cela, le fétichisme du pied et de la chaussure étant apparemment le plus répandu des fétichismes. Il touche à divers degrés, parfois certains jusqu'à la fixation, une large partie de la population. Quel bébé n'a jamais eu la plante des petons chatouillée ? Quels amants ne se sont jamais caressés avec ces pieds dont les milliers de terminaisons nerveuses forment l'une des zones les plus érogènes du corps ?
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A l'origine du tango, au tout début du 20ème siècle à Buenos-Aires, ce genre de chaussures féminines latinos était surtout porté dans les bordels par les prostituées (d'ailleurs souvent des françaises exilées portant donc la petite mode parisienne) qui n'étaient en général pas novices en matière de provocation sexuelle. Tout dans le design de la chaussure, du talon haut à la pointe, en passant par la cambrure, l'échancrure et les attaches -- voir les bottines lacées ou boutonnées dont la littérature érotique du XIXème siècle est friande --, même la couleur (noir, rouge) et la matière (cuir, peaux), est fait pour à la fois donner de la distinction -- "de la classe" comme on disait dans les bordels -- et stimuler l'imagerie sexuelle. Dans la fantasmatique de beaucoup d'hommes normaux -- c'est-à-dire un peu homos, un peu machos, un peu sados et un peu masos -- il n'existe pas de belle femme rééllement distinguée et désirable sans belles chaussures à talons hauts.

Si la vue d'une danseuse de tango en tennis blanches peut renvoyer vers des images expressives de danse classique, la même atteindra toujours pour la majorité des spectateurs et spectatrices, un niveau bien supérieur de présence, d'intensité, de profondeur, de séduction et de sensualité si elle porte des chaussures de tango.

Il est d'ailleurs impensable qu'une danseuse de spectacle tango, sauf peut-être dans un but de provocation ou de dérision (et même là encore il ne s'agit que de détournement), n'utilise pas ses chaussures dans sa mise en scène. C'est un accessoire indispensable à sa présence, à la signification de sa démonstration et à la connivence avec le public. Que ce soit en spectacle sur scène ou en simple exhibition sur parquet de bal les chaussures de tango portent d'emblée l'évidence d'une histoire, d'une esthétique, d'une identité, d'une culture, voire d'une morale.

Comme, à un moindre degré, dans la vie courante où, autant que l'attitude et le costume, la chaussure exprime souvent assez bien à la fois la personnalité, la position dans la société, et même la sexualité de celui qui la porte. Qui n'a en effet jamais regardé d'un oeil discret les chaussures de son interlocuteur ou interlocutrice inconnu(e) pour s'en faire une idée ? Ce ne sera évidemment pas la même perception s'il ou elle porte des chausures de marque en croco, des sandales baba cool, des santiags, des baskets ou des mocassins à talons aiguille. Ne parlons pas des godillots troués du clochard, le va-nu-pieds dans la rue étant depuis toujours associé au désordre, aux bas instincts et à la réaction contre les contraintes de la société.
Des Bas et des Hauts talons
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Le talon haut est une des dernières pièces de l'habillement qui différencie encore les hommes des femmes. Plus que tout autre élément, il influence le langage esthétique et sensuel du corps entier.D'une hauteur généralement comprise entre 5 et 8 cm, il accentue d'abord la cambrure du pied, rendant celui-ci plus petit donc plus sexy. Ensuite il allonge la silhouette et galbe la jambe. Surtout, il accentue la cambrure des reins, projette les fesses en arrière et oblige à une tenue plus droite de la ligne du dos. Du coup la démarche devient plus féminine et voluptueuse.

Le corps entier de la femme, notamment ses parties les plus érogènes: hanches, cuisses, buste, fesses, se met à onduler au moindre mouvement. Le petit cm2 de surface du talon haut porte ainsi depuis plus d'un siècle les messages de séduction et les effets sensuels de la féminité dans le tango argentin. Comme la couleur noir des vêtements, il ne faut pas le sous-estimer car c'est en grande partie à lui que l'on doit la nervure érotique des choses et des enjeux dans les bals, donc une partie de l'ambiance, des figurations, de la communion et de la connivence des danseurs et danseuses, qu'ils soient proches ou inconnus. Sans les chaussures à talons hauts, on peut présumer sans risque que peu d'hommes viendraient dans les milongas.

Quant aux tangueras, elles se rappellent sans doute que lorsqu'elles étaient gamines, elles adoraient mettre leurs petits petons dans les chaussures à talons hauts de leur mère, histoire de s'imaginer déjà femme. Elles se souviennent aussi de l'étape décisive où elles ont porté pour la première fois des chaussures à talons hauts dans la rue, signifiant clairement par là leur maturité sexuelle. Pas de place donc dans les bals tango pour les trop prudes demoiselles à talons plats, car le talon haut est un des meilleurs moyens de se rendre sexy et d'avoir l'attitude tango là où il faut l'avoir. Attention toutefois, cela ne suffit pas. Si le talon haut de la chaussure tanguera initie la démarche tango, ce n'est pas lui qui fait la personnalité de la danseuse.

Il faut évidemment apprendre à perfectionner son maintien et sa posture dans la marche tango.
Le talon haut se doit aussi d'être fin et pointu, comme la pointe de la chaussure, ceci toujours dans le même but de rendre le pied plus mignon et attrayant. Il en existe de nombreux modèles allant du super effilé talon aiguille en titane de certains stilettos aux diverses formes de talons bobinés des chaussures de danse latinos pour la salsa, le tango, etc. En tout cas, la pointe ou le talon carré sont totalement rédhibitoires dans un bal tango. Rien de plus inesthétique et désexualisant en effet que les chaussures à bouts ou talons carrés dans ces lieux.

On trouve parfois en tapisserie de pauvres égarées ainsi affublées, se demandant toute la soirée pourquoi elles sont négligées par les milongueros. Il faut avouer à leur décharge que les dernières modes de la rue ne donne pas dans le look tango: plumiers rectangulaires pour les femmes et sandales de moines orteils à l'air pour les hommes ne sont pas vraiment faits pour illuminer les parquets de milongas. Mais comme d'habitude avec la mode, le retour du style pointu ne devrait tarder.

En attendant, tangueras débutantes, sachez prendre de la hauteur et apprenez comment faire venir les hommes à vos pieds ! le signal est simple: asseyez-vous devant, croisez les jambes et exhibez la chaussure à talon aiguille magnétique bien en avant. Il y aura toujours un prince charmant en quête d'une Cendrillon pour trouver votre chaussure à son pied.

La milonga est un lieu idéal pour tester vos capacités de séduction en chaussures de femme. Marylin Monroe, dont tout le monde connaît le fameux balancement, a bien avoué sans se sentir coupable que toutes les femmes devaient beaucoup aux talons hauts et qu'elle-même leur devait sa carrière (Madonna - un autre style - a d'ailleurs repris le mot plus récemment mais en parlant elle de ses bretelles de soutien-gorge).

Les historiens sérieux, eux, affirment pour leur part que les talons hauts existent depuis au moins 3000 ans. Au XVIème siècle, On inventa à Venise les fameuses "Chopines", chaussures à semelles de bois qui pouvaient atteindre 60 cm de haut. Mais la véritable mode aurait semble-t-il été lancée par la petite Catherine de Médicis lorsqu'elle vint épouser Henri II à Paris. Elle mit des talons hauts pour éviter au roi d'avoir à se baisser en lui baisant le front. Toute l'aristrocratie européenne suivit cette idée royale après le mariage. Louis XIV l'imposa à tous les hommes de sa cour. Parallèlement, d'autres couches de la société, notamment celle de dames moins nobles mais toutes aussi galantes, comprirent vite le double effet à la fois de respectabilité et de provocation érotique que cette mode générait.

Aujourd'hui, un tiers des 700 millions de chaussures vendues chaque année en France ont des talons de plus de 3 cm, et inombrables sont les femmes qui à l'instar d'Ava Gardner, Imelda Marco, Marlène Dietrich, Evita Peron, Nicole Kidman et bien d'autres, collectionnent ce genre de chaussures par centaines ou par milliers.
Bas Instincts
Au XVIème siècle, tous les hommes portaient des bas. C'était la mode.

Aujourd'hui, ils sont encore à la mode, mais versant femmes. L'année dernière il s'en est vendu en France plus de 170 millions de paires. Nous ne parlerons évidemment pas ici du bas en laine ou en coton mais du vrai bas magique, celui en soie (ou à la limite en nylon, très tendance depuis peu parmi les sauvageonnes des quartiers chics), léger, noir, infroissable et transparent. L'arme fatale de séduction massive, la pièce maitresse de lingerie féminine revenue depuis quelques années dans l'intimité des élégantes, l'atout sexe qui fait flasher 66% des hommes selon les sondages, presque autant que les décolletés arrogants soutenus par Wonderbra.

Comme pour les chaussures, il s'agit encore et toujours là d'érotisme de la chair finement cachée, montrée, voilée. En matière de look glamour pour la tanguera 2003 qui s'assume pleinement, le bas est donc le compagnon idéal de la chaussure à talons hauts pour brimer les mâles milongueros. Avec les dernières vogues et les innovations technologiques qui rendent la fibre très solide et les font tenir tout seuls sans jarretière, elles peuvent désormais porter au quotidien - après la longue folie des collants à la Frère Jacques qui leur remontaient jusque sur le bidon en laissant des traces rouges - de vrais bas sexy, fantaisie ou non, qui s'arrêtent à bonne hauteur de cuisse, peu onéreux (15 euros) et à longue durée de vie. Bien entendu, les bas se doivent d'être mis sur des jambes à la hauteur sinon il y a risque de tomber dans le style pin-up de bande dessinée incarné par Betty Boop, si ce n'est pire (avec poils sur les mollets par exemple), et il vaut mieux dans ce cas pour la communauté tango que la danseuse s'en tienne à un simple pantalon noir souple et élégant.

Une fois ce critère rempli, on conseille ausi pour des raisons pratiques de porter dans nos milongas les fameux nouveaux bas jarretière stay up qui tiennent tout seuls avec un large revers élastique adhésif sur le haut de la cuisse, que la fente de la jupe ou la petite robe noire laissera entrevoir par éclairs, plutôt que le fragile ensemble classique bas voile porte-jarretelles, qui risque de gêner les mouvements de danse et de donner un style pouffiasse (style baroque dérivé du pouf sur lequel les messieurs attendaient leur tour dans les bordels). Avec les bas, les plus audacieuses pourront aussi réinventer quelques petits rituels sexy, comme le geste de rectification de la couture, voire même carrément celui très cinématographique du bas qu'on retire sensuellement en le roulant sur la jambe étirée. Coté pratique, afin d'éviter d'en user une paire par soirée, on les choisira avec une légère semelle et talon renforcé derrière la cheville, la couture remontant ensuite jusqu'en haut en une belle ligne droite qui affine la jambe, indiquant par là le bout du long chemin que les tangueros doivent suivre à partir de la pointe du talon aiguille.

Copyright © N. B. / La République des Lettres, mardi 10 juillet 2003

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